dimanche 24 février 2013

Lecture - Maryse Hache, Abyssal Cabaret

Qu'est-ce que c'est cabaret
sans cesse justifier
y'en a marre de se justifier

j'ai cherché partout avec lambeaux de langue
traces et vestiges des anciens palais
voulais même cabaret paillettes et musique
n'ai trouvé que choses déjà mortes et desséchées

ne parviens pas à reconstruire effondrement de tout
chute de phrases
tombée de majuscules
disparition de virgules

mais tiendrai
au chaud de la langue défaite
vaille que coûte
ferai mon chant dans la profération du mot

tiendrai là
dans tout ce qui manque

flonflons et numéros
champagnes et music-hall
trompettes et défilés

dans tout ce qui manque
et cependant on continue

sauve qui peut la vie




Des écueils à affronter, pour oser parler de ce texte. 
D'abord pour sa dimension théâtrale, car Abyssal Cabaret est un texte pour la scène. (mis en scène et joué par Caroline Lemignard, lors de performances laissant la part belle à l'improvisation.) Texte seul, que nous laisses-tu ? 
Encore beaucoup, si.

Lectures multiples, ensuite : ce monologue est-il déclamé sur une décharge, un charnier, un théâtre qui s'effondre ? Parle-t-on du théâtre, des morts, de l'impossibilité de dire, ou de tout cela à la fois ? De la gravité dans le propos, qui ne renie l'humour, ni l'humain.

La typographie du texte, sur le papier, a son importance : il nous semble avoir sous les yeux une polyphonie qui mêle la voix (alignée à gauche de la page) de cette femme qui se fait narratrice : 

 La femme dont nous racontons l'histoire sait bien que le théâtre s'effondre
Elle sait que sur les charniers poussent les fleurs les plus belles (p.11)

et que vient héler une autre voix (alignée sur le papier à droite de la page) :
tu ne sais rien du théâtre
tu ne sais rien de l'instant
tu ne sais rien des fleurs (p.11)

La même voix  qui (se) raisonne /résonne, et se souvient ? Car cette seconde voix a vu. Le beau, le sordide : elle les décrit avec la sobriété d'un lyrisme qui se contient, à grande peine. Qui éclate, par endroits.
Discrètement, en note de bas de page, on nous suggère la présence d'autre écrits sous forme de liens hypertextes... l'incitation à compulser La Princesse de Montpensier n'est certainement pas fortuite...

Ceux que la mort à tués : au centre du texte, ils font leur apparition, méritant tous leur bougie, famille convoquée post-mortem, avec souvenirs parfois morcelés. Sont-ils la seconde voix ? Jusqu'où, l'imaginaire ? Jusqu'à quel point restent-ils ?
Voilà sans doute le nœud : nous en sursis, au dessus, physiquement, de ceux qui partent, que faisons-nous de ces espaces précaires ?

Une prose poétique, qui exclut la ponctuation pour mieux envoyer le verbe à la figure. On mettra quelques temps à refermer la dernière page.

Mentionnons le travail photographique de Frédéric Desmesure, qui vient agrémenter les pages de cette édition.  

On saluera enfin la mémoire de Maryse Hache, trop tôt partie, voilà quatre mois.


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On profitera de ces quelques paragraphes pour saluer la vitalité de la double maison Publie.net et Publie.papier. Vitalité qui, pour autant, ne peut se passer de lecteurs.
Rappelons donc que :
 
- pour le versant papier (publie.papier), il s'agit d'impression à la demande : votre libraire, si vous êtes souriant, vous commandera avec plaisir le titre de votre choix (délai de réception risible) ; via le WEB ça marche aussi très bien. L'achat d'un livre vous offre la possibilité de télécharger gratuitement le même titre en numérique (format .epub, mobipocket, .pdf... au choix.) Ça n'est pas un cadeau, mais un parti-pris de la maison. Pour tous les titres publie.papier.
 
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- Il existe aussi, sur le site de l'éditeur (publie.net, donc), une possibilité d'abonnement (95 euros/an, téléchargement et consultation sans limite d'un catalogue de près de 700 ouvrages).
Le catalogue est donc d'importance, mais aussi réjouissant, pointu, exigeant, roboratif et enthousiasmant.
(C'est sur ce même site qu'on a, pour la bonne cause, piqué l'illustration puplie.papier ci-contre.)

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